Ces voitures « fantômes » que les constructeurs ne contrôlaient plus… devenues des stars locales !

Dans l’univers automobile, les partenariats industriels et les plateformes partagées sont monnaie courante. De nombreux modèles sont conçus et produits conjointement par plusieurs marques dans le cadre d’accords strictement encadrés. Mais parfois, ces collaborations prennent des tournures inattendues, voire échappent totalement au contrôle des constructeurs d’origine. Voici trois exemples emblématiques de voitures qui ont continué leur route bien au-delà des intentions de leurs créateurs, dans des versions parfois méconnaissables.

1. Peugeot Pars : une 405 aux allures de 406 made in Iran

La Peugeot 405, lancée en 1987, a marqué une époque. Élue Voiture de l’année 1988, elle symbolisait le renouveau de la marque sochalienne. En Europe, elle a été produite jusqu’en 1996, avant de céder sa place à la 406. Mais en Iran, l’histoire fut tout autre.

Grâce à un accord signé avec Iran Khodro, la 405 fut assemblée localement à partir de 1990. Ce partenariat allait donner naissance à une multitude de variantes, jusqu’à ce que naisse en 2001 la Peugeot Pars. Reprenant la base de la 405, cette version tricorps modernisée adopte certains éléments de design de la 406, comme ses phares ou sa calandre. À première vue, on dirait une 405 qui aurait passé quelques semaines dans une clinique esthétique.

Mais l’aventure prend un tournant géopolitique inattendu. En 2012, sous la pression des sanctions américaines contre l’Iran et de General Motors, actionnaire de PSA à l’époque, Peugeot est contraint de couper les ponts avec son partenaire iranien. Pourtant, Iran Khodro continue de produire des 405 et Pars sans autorisation, s’approvisionnant en pièces de rechange via des circuits parallèles, notamment en Asie. Cette production pirate perdurera jusqu’en 2024, faisant de la 405 l’un des modèles les plus durablement détournés de l’histoire automobile.

2. Citroën ZX / Elysée : une carrière hors-norme en Chine

Autre récit fascinant, celui de la Citroën ZX, une compacte ambitieuse lancée en 1991 par PSA pour affronter la Volkswagen Golf. En Europe, elle fut commercialisée sous de multiples versions jusqu’à la fin des années 1990, avant d’être remplacée par la Xsara. Mais en Chine, l’histoire ne fait alors que commencer.

Grâce à une joint-venture avec Dongfeng Motors, Citroën commence à produire localement la ZX sous le nom de Fukang. L’adaptation au marché chinois est rapide : empattement allongé, version tricorps, équipements adaptés… Résultat, le modèle séduit une clientèle en quête de berlines fiables et accessibles.

En 2002, Dongfeng décide de donner un coup de jeune au modèle : nouveau capot, feux avant empruntés à la Peugeot 306, intérieur inspiré de la Xsara. La ZX devient alors Elysée, un nom synonyme de statut dans l’imaginaire local. Malgré la fin du modèle en Europe, sa version chinoise connaîtra deux restylages supplémentaires, en 2008 puis en 2012, et restera en production jusqu’en 2014. Une longévité exceptionnelle, fruit d’un succès commercial largement détaché de la volonté initiale de Citroën.

3. SsangYong Chairman : la Classe S qui ne dit pas son nom

La troisième histoire nous mène en Corée du Sud, chez SsangYong. Dans les années 1990, le constructeur sud-coréen cherche à monter en gamme. Un accord avec Mercedes permet à SsangYong d’utiliser des moteurs et technologies de la marque allemande. De cette coopération va naître une berline inattendue : la Chairman.

Sur base technique de Mercedes Classe E, mais avec des dimensions proches de la Classe S, la Chairman est une limousine à destination des élites politiques coréennes. Pourtant, son design trahit un mimétisme flagrant avec les lignes des berlines Mercedes. Devant cette appropriation un peu trop appuyée, Mercedes impose des limites : la Chairman ne doit pas être exportée en Europe ni aux États-Unis, et son style doit s’éloigner de celui des modèles étoilés.

Pour un temps, SsangYong respecte ces directives. Mais en 2008, la Chairman W revient avec un design frontal très proche de la Classe S W221. Encore une fois, la frontière entre inspiration et imitation devient floue. Malgré tout, la Chairman poursuit sa carrière jusqu’en 2017, avant que SsangYong n’abandonne définitivement les berlines pour se concentrer sur les SUV.

Quand les modèles vivent leur vie en dehors du contrôle des marques

Ces trois histoires révèlent un aspect méconnu de l’industrie automobile : une voiture peut continuer à exister, parfois pendant des décennies, loin de son pays d’origine et des stratégies de ses créateurs. Dans certains cas, comme en Iran ou en Chine, les modèles détournés ont connu un tel succès local qu’ils sont devenus des références populaires, souvent sans aucune promotion internationale.

Plus encore, ces exemples soulignent la complexité des enjeux géopolitiques, industriels et commerciaux qui entourent les licences automobiles. Ce que les constructeurs conçoivent comme un partenariat ponctuel peut se transformer, à l’autre bout du monde, en une aventure autonome à la longévité surprenante.

En somme, l’histoire de l’automobile n’est pas seulement faite de grandes innovations et de nouveaux modèles clinquants. Elle est aussi jalonnée de destins inattendus, où certaines voitures poursuivent leur route bien après la fin de leur cycle officiel, dans des recoins parfois insoupçonnés du globe.