Véhicules électriques : pourquoi les particuliers français se détournent de la mobilité zéro émission
Le rêve d’une transition énergétique rapide semble s’essouffler. Alors que le marché automobile français avait entamé un virage ambitieux vers l’électrique, les derniers chiffres du premier semestre 2025 révèlent une réalité plus contrastée, voire préoccupante. Les Français, et plus précisément les particuliers, semblent bouder de plus en plus les véhicules 100 % électriques. En juin, cette tendance s’est nettement accentuée, mettant en lumière un malaise persistant entre promesses écologiques et contraintes économiques.
Une désaffection marquée des particuliers
Selon les données récentes, les immatriculations de voitures électriques neuves ont reculé de 3 % au mois de juin 2025, dans un marché global déjà en baisse de 8 %. Mais cette moyenne masque des disparités criantes : les particuliers ont massivement déserté le segment avec une chute de 30 % des immatriculations sur ce canal. En revanche, les flottes d’entreprises ont pris le relais, affichant une progression spectaculaire de 49 % sur les modèles électriques.
Ce transfert d’acheteurs du côté professionnel pourrait tromper les observateurs peu attentifs. Car s’il sauve les apparences, il n’en demeure pas moins fragile. Les ventes aux flottes ne suffiront pas à faire tourner durablement l’industrie, surtout à l’approche d’échéances réglementaires qui imposeront la fin des ventes de véhicules thermiques.
Les modèles stars… et les autres
Du côté des best-sellers, Renault domine largement les débats. La nouvelle Renault 5 électrique s’est imposée en tête des ventes avec 15 000 unités écoulées sur les six premiers mois de l’année, suivie par la Citroën ë-C3 (9000 unités) et la Tesla Model Y (8800 unités). Le Renault Scénic électrique suit avec 8000 exemplaires vendus. Mais au-delà de ce quatuor de tête, les chiffres chutent drastiquement. De nombreux modèles peinent à franchir le cap symbolique des 1000 unités vendues sur le semestre. Un constat inquiétant pour les constructeurs qui devront bientôt miser exclusivement sur des modèles électrifiés.
La question qui fâche : la décote
Parmi les freins majeurs à l’achat d’un véhicule électrique, la crainte d’une forte dépréciation arrive en tête. Et pour cause : les données de AAAData confirment que les voitures électriques perdent de leur valeur bien plus rapidement que leurs équivalents thermiques ou hybrides. Ainsi, une Renault Twingo électrique perd en moyenne 48 % de sa valeur, contre 26 % pour sa version essence. Même constat du côté de la Nissan Leaf, qui se déprécie de 37 %, contre 30 % pour le Nissan Juke. Quant à la Tesla Model 3, elle affiche une décote de 35 %, là où une BMW Série 3, pourtant plus kilométrée, ne chute que de 19 %.
Cette dévalorisation rapide pèse lourdement sur les sociétés de leasing, contraintes de revoir leurs grilles tarifaires. Les loyers mensuels pourraient bientôt grimper pour compenser les pertes à la revente, rendant les voitures électriques moins accessibles… même pour les flottes professionnelles.
Le marché de l’occasion bouleverse les cartes
Autre facteur de ralentissement des ventes neuves : le boom du marché de l’occasion électrique. De plus en plus de particuliers se tournent vers des modèles d’occasion, profitant de prix cassés liés à la décote fulgurante. Si cette dynamique permet de démocratiser l’accès à la mobilité électrique, elle nuit au renouvellement du parc neuf. Pire : elle provoque une saturation des stocks chez les concessionnaires, notamment avec les retours massifs de leasing difficiles à écouler.
Dans ce contexte, revendre une voiture hybride ou diesel en 2025 s’avère bien plus simple qu’un modèle électrique, pourtant censé incarner l’avenir. Une situation paradoxale, qui illustre les failles d’un modèle économique encore en construction.
Quelles perspectives pour la voiture électrique en France ?
La désaffection actuelle des particuliers pour l’électrique n’est peut-être pas définitive, mais elle envoie un signal fort aux pouvoirs publics et aux industriels. Si l’on veut convaincre les Français, il faudra agir sur plusieurs leviers : réduction du coût d’achat, meilleure valorisation à la revente, amélioration du réseau de recharge, et surtout clarté dans les politiques incitatives.
À court terme, la dépendance aux flottes constitue une ligne de survie, mais elle ne pourra remplacer l’adhésion de masse indispensable à une transition réussie. Sans cette dynamique populaire, l’objectif de 100 % de ventes électriques d’ici 2035 pourrait bien rester lettre morte.
En attendant, les Français font leur choix : pragmatisme avant idéologie. Et ce choix les mène, pour l’instant, vers les hybrides non rechargeables, devenues la motorisation préférée dans l’Hexagone.
