Stellantis quitte la Chine : la fin d’un rêve industriel occidental
Stellantis tourne officiellement la page chinoise. La décision d’un tribunal de Changsha prononçant la faillite de la co-entreprise entre GAC et Fiat-Chrysler enterre définitivement l’aventure industrielle du groupe en Chine. Ce retrait, bien que discret, n’est pas anodin. Il illustre la difficulté croissante des constructeurs automobiles étrangers, notamment occidentaux, à maintenir leur position dans un marché qui fut longtemps perçu comme une terre promise. Aujourd’hui, les marques chinoises dictent leurs propres règles.
L’échec d’un géant aux ambitions mondiales
Stellantis, issu de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler, n’est pas n’importe quel acteur. Il représente l’un des plus vastes portefeuilles de marques au monde, de Peugeot à Jeep en passant par Opel et Dodge. Pourtant, ce poids lourd n’a pas réussi à s’imposer sur le premier marché mondial. L’association GAC-Fiat/Chrysler avait été conclue avant même la création de Stellantis, mais n’a jamais réellement décollé. Dès la fin de la crise sanitaire, les fermetures d’usines se sont enchaînées. L’absence d’adaptation au contexte local, combinée à une offre électrique peu compétitive, a précipité la chute.
D’autres marques européennes et américaines ont connu un sort similaire. Renault, qui avait misé sur une implantation ambitieuse, a mis fin en 2020 à la production de plusieurs modèles à Wuhan. De son côté, Mitsubishi s’est aussi retirée du marché, ne laissant que Nissan, qui peine lui aussi à rester visible.
Des marques locales devenues incontournables

Le retrait progressif des géants occidentaux ne signifie pas un affaiblissement du marché chinois, bien au contraire. Les marques locales y connaissent une croissance fulgurante, en particulier grâce à leur capacité à proposer des modèles électriques accessibles et bien adaptés aux attentes des consommateurs locaux. Le virage électrique, longtemps sous-estimé par les groupes européens et américains, a été parfaitement anticipé par les constructeurs chinois.
Le cas de Porsche est révélateur. Malgré son image de luxe et de sportivité, la marque allemande a enregistré une chute de 28 % de ses ventes en Chine en un an. Les causes sont multiples, mais la montée en gamme des marques chinoises joue un rôle central. Xiaomi, par exemple, ne se contente plus d’écrans et de smartphones. Avec ses modèles SU7 et YU7, le géant technologique s’est attaqué directement au marché automobile premium. Les codes du haut de gamme sont désormais maîtrisés localement, ce qui rend la concurrence encore plus rude pour les outsiders venus d’Occident.
Volkswagen, l’exception qui confirme la règle
Dans ce tableau général de repli occidental, Volkswagen fait figure de survivant. Le groupe allemand, implanté depuis des décennies en Chine, bénéficie d’une solide réputation. Avec près de trois millions de véhicules vendus par an, il conserve une position dominante. Toutefois, cette stabilité ne doit pas masquer une tendance préoccupante. Ses ventes ont reculé de 9,5 % l’an dernier, preuve que même les acteurs les mieux implantés ne sont plus à l’abri.
L’un des éléments clés de la stratégie de Volkswagen en Chine repose sur sa capacité à innover sur place. Le groupe a multiplié les partenariats locaux, notamment dans la mobilité électrique, pour rester dans la course. Mais là encore, la pression monte. Tesla, bien que non chinois, a su séduire par son positionnement technologique et sa capacité à s’adapter au marché local. Ses gigafactories installées en Chine témoignent de sa volonté d’en faire une base stratégique.
L’ironie d’un retour par la petite porte
Le départ de Stellantis de Chine est d’autant plus saisissant que le groupe participe désormais activement à l’implantation de marques chinoises en Europe. C’est lui qui distribue la jeune marque Leapmotor sur le vieux continent. Cette stratégie, motivée par le besoin de diversifier l’offre et de répondre aux attentes électriques des Européens, montre un basculement profond. L’époque où les constructeurs occidentaux exportaient massivement vers l’Asie est révolue. Ce sont désormais les marques chinoises qui viennent conquérir l’Europe avec leurs modèles technologiquement compétitifs et financièrement attractifs.
Un changement d’ère pour l’industrie automobile
Le retrait de Stellantis n’est pas une simple faillite industrielle. Il symbolise un tournant stratégique majeur pour l’industrie automobile mondiale. La Chine, autrefois convoitée pour son potentiel gigantesque, devient un marché fermé aux ambitions étrangères classiques. La montée du patriotisme économique et la maturité technologique des marques locales rendent la tâche quasi impossible aux outsiders.
Ce rééquilibrage se fait aussi dans un contexte de guerre commerciale larvée entre les puissances. Les constructeurs occidentaux doivent désormais repenser leur stratégie globale, miser sur d’autres marchés émergents, renforcer leur compétitivité sur l’électrique et surtout, anticiper les mutations locales. Car dans le nouvel ordre mondial de l’automobile, il n’y a plus de place pour les retardataires.
