Silverstone 1950 : Le Grand Prix qui a lancé la légende de la Formule 1 il y a 75 ans
Le 13 mai 1950, dans le calme verdoyant du Northamptonshire, le monde assistait à un moment historique : le tout premier Grand Prix de Formule 1, disputé sur le mythique circuit de Silverstone. Ce jour-là, la discipline reine du sport automobile prenait vie, portée par une ambition sans précédent : faire du sport automobile un championnat mondial de référence. Soixante-quinze ans plus tard, ce pari est non seulement tenu, mais largement dépassé. Retour sur les origines de cette épopée mécanique et humaine.
Un aérodrome transformé en arène
Le cadre de cette naissance n’est autre qu’un ancien aérodrome militaire britannique, utilisé par la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale. La symbolique est forte : alors que l’Europe panse ses plaies, Silverstone devient le théâtre d’un nouveau départ. Le tracé de 4,649 km est aménagé à la hâte, mais avec un sens du spectacle. Des virages comme Copse, Maggots, Becketts, Chapel ou encore Stowe font déjà figure d’icônes, et survivront jusqu’à nos jours.
À cette époque, le terme « Formule 1 » vient tout juste d’être codifié par la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA). L’objectif : unifier les différentes compétitions existantes en un championnat mondial structuré. La manche d’ouverture se devait donc d’être prestigieuse, et Silverstone, en Angleterre, terre de passion mécanique, s’impose comme une évidence.
La course des pionniers
Le plateau de cette première course rassemble les plus grands noms du moment. Alfa Romeo domine largement la grille avec ses modèles 158, surnommés « Alfetta ». On y retrouve trois géants : Giuseppe “Nino” Farina, Juan Manuel Fangio et Luigi Fagioli. Ferrari, pourtant indissociable de la F1 aujourd’hui, est absente : la Scuderia fera ses débuts à Monaco lors de la manche suivante. D’autres marques comme Maserati ou Talbot Lago complètent le plateau, et des pilotes comme Alberto Ascari, Louis Chiron ou Reg Parnell participent à cette aventure fondatrice.
Ce Grand Prix d’ouverture ne se déroule pas dans l’anonymat : pas moins de 100 000 spectateurs font le déplacement, parmi eux le roi George VI et sa fille, la future reine Elizabeth II. À défaut de célébrités hollywoodiennes, c’est l’aristocratie qui donne le ton.
Farina, premier héros de la F1
Dès les qualifications, le ton est donné. Nino Farina s’empare de la première pole position de l’histoire de la Formule 1, devançant ses coéquipiers Fagioli et Fangio de quelques dixièmes. Le lendemain, lors du départ, Farina se fait brièvement doubler par Fagioli, mais reprend rapidement l’avantage avant la fin du premier tour.
La course, longue de 70 tours, est un festival pour Alfa Romeo. Les trois pilotes de la marque italienne se livrent une bataille intense mais respectueuse en tête, changeant plusieurs fois de position. Fangio mène un temps, Fagioli aussi, mais c’est finalement Farina qui impose son rythme, tournant à une moyenne de 151,3 km/h, déjà impressionnante pour l’époque.
Au fil des tours, les abandons s’enchaînent. Louis Chiron et sa Maserati sont contraints de quitter la course sur défaillance mécanique. Alfa Romeo, en revanche, déroule. À l’arrivée, le triplé historique est scellé : Farina vainqueur, Fagioli deuxième, Fangio troisième. Le nom du premier vainqueur de la Formule 1 est désormais gravé dans l’histoire.
Silverstone, un temple toujours vivant
Ce premier Grand Prix est un immense succès. Le public est conquis, les médias commencent à s’intéresser à ce nouveau championnat et les constructeurs entrevoient une vitrine technologique de premier plan. Très vite, la Formule 1 devient le laboratoire d’innovations mécaniques et aérodynamiques. Le championnat des constructeurs n’arrivera qu’en 1958, mais déjà, les marques comprennent le potentiel de visibilité que représente ce sport.
Depuis ce 13 mai 1950, Silverstone est resté une étape incontournable du calendrier. Le circuit, remanié à plusieurs reprises, conserve néanmoins son esprit d’origine. Mieux encore, il est devenu le centre névralgique de la F1 moderne : Mercedes, Red Bull, Aston Martin ou encore Williams ont tous installé leurs quartiers à quelques kilomètres du tracé. Avec près d’un demi-million de spectateurs attendus chaque année, le Grand Prix de Grande-Bretagne est l’un des plus populaires du monde.
Une page d’histoire toujours écrite
La Formule 1 moderne n’a plus grand-chose à voir avec celle de 1950, si ce n’est son ambition universelle et sa capacité à susciter les passions. Les bolides atteignent aujourd’hui des vitesses moyennes de plus de 230 km/h sur un tour, les budgets se comptent en centaines de millions d’euros, et les pilotes sont des superstars mondiales.
Mais tout a commencé à Silverstone, ce jour de mai 1950, sur une piste encore poussiéreuse, sous les yeux d’un public ébahi. Et chaque fois que le cirque de la F1 y revient, c’est une part de cette magie originelle qui renaît.
