Scandale Takata : un concessionnaire BMW mis en examen à La Réunion, une première en France
Un tournant judiciaire inédit vient bousculer le secteur automobile en France. Pour la première fois, ce n’est plus un constructeur, mais un concessionnaire qui se retrouve mis en cause dans le scandale des airbags Takata. À La Réunion, un distributeur BMW est poursuivi pour blessures involontaires à la suite d’un accident survenu en mai 2020. Le dispositif de sécurité incriminé, un airbag défectueux issu des lots problématiques de l’équipementier japonais, a provoqué de graves blessures à un automobiliste. Une affaire qui marque un précédent et interroge sur les responsabilités en chaîne dans l’industrie automobile.
Une affaire de plus dans le long feuilleton Takata
La défaillance des airbags Takata n’est pas un fait nouveau. Depuis plus d’une décennie, ces équipements ont été à l’origine de nombreux accidents graves à travers le monde, obligeant les constructeurs à lancer des campagnes massives de rappel. L’affaire est d’autant plus complexe que Takata a fait faillite en 2017, rachetée dans la foulée par l’équipementier américain Key Safety Systems. Pourtant, des millions de véhicules restent encore aujourd’hui équipés d’airbags susceptibles de devenir dangereux au fil du temps.
Ce danger est accentué par les conditions climatiques spécifiques, notamment dans les régions humides ou tropicales. À La Réunion, les températures élevées et le taux d’humidité favorisent la dégradation du nitrate d’ammonium, le composant chimique utilisé dans les airbags Takata. En cas d’accident, le gonfleur de l’airbag peut exploser violemment et projeter des fragments de métal, causant des blessures potentiellement mortelles.
La responsabilité du concessionnaire pointée du doigt
Jusqu’ici, les constructeurs étaient principalement tenus pour responsables de ces défaillances. L’affaire réunionnaise change la donne. Selon l’AFP, un automobiliste victime d’un accident impliquant un airbag Takata défectueux a décidé de porter plainte contre le concessionnaire BMW qui lui avait vendu le véhicule. Il l’accuse de ne pas avoir agi à temps pour remplacer l’airbag alors que le problème était connu de longue date dans l’industrie.
Le concessionnaire mis en cause, Leal Réunion, affirme avoir entrepris toutes les démarches nécessaires dès qu’il en a eu la possibilité. Il évoque les limites administratives qui, selon lui, ont retardé la procédure. En 2020, les distributeurs n’avaient pas encore accès au fichier SIV (Système d’Immatriculation des Véhicules), ce qui compliquait grandement l’identification des propriétaires concernés par les campagnes de rappel. Une situation qui aurait rendu difficile, voire impossible, une prise de contact rapide avec le client victime.
Malgré ces explications, la justice réunionnaise a décidé de mettre en examen le concessionnaire pour « violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ayant involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ». Une qualification lourde de conséquences, qui pourrait ouvrir la voie à d’autres actions en justice, en particulier contre les distributeurs n’ayant pas suffisamment communiqué ou agi dans le cadre des rappels liés aux airbags.
Les campagnes de rappel sous pression
En France, plus de vingt marques sont concernées par les rappels liés aux airbags Takata. Parmi les constructeurs les plus touchés, on trouve Stellantis, Toyota, Honda, BMW, Ford ou encore Nissan. Les rappels ont souvent été longs, complexes et parfois inefficaces à cause du manque de coordination entre les différents acteurs. De nombreux véhicules roulent encore avec des airbags non remplacés, notamment dans les territoires ultramarins, où l’accès au SAV est plus difficile.
Cette nouvelle affaire à La Réunion pourrait accélérer la mise en place de procédures plus strictes pour les rappels de grande ampleur. Elle souligne aussi la nécessité d’améliorer les canaux de communication entre les constructeurs, les distributeurs et les automobilistes. L’enjeu dépasse le cadre judiciaire : il s’agit de garantir une meilleure sécurité pour tous les usagers de la route.
Un précédent aux répercussions multiples
Le fait qu’un concessionnaire soit directement mis en examen pour ne pas avoir remplacé un airbag dans les temps pourrait faire jurisprudence. Jusqu’ici, la responsabilité pénale se concentrait sur les constructeurs ou sur l’équipementier d’origine. Désormais, cette chaîne pourrait s’étendre jusqu’aux distributeurs, notamment lorsqu’ils ont été informés d’un défaut critique et qu’ils n’ont pas engagé les actions nécessaires dans les délais impartis.
Il faut rappeler que les concessions automobiles jouent un rôle clé dans le déploiement des rappels. Elles sont à la fois en contact direct avec les clients et dépendantes des directives des maisons-mères. Ce double rôle peut, dans certains cas, engendrer des lenteurs ou des incompréhensions. Mais la justice semble désormais prête à évaluer si les distributeurs ont fait preuve de diligence raisonnable face à des risques identifiés.
Un signal fort envoyé à tout le secteur
Cette mise en examen est un signal fort pour l’ensemble de l’écosystème automobile. Elle appelle à une vigilance accrue de la part des concessionnaires, surtout dans les cas de rappels connus pour leur dangerosité. Elle interpelle également les autorités publiques sur l’importance de fluidifier l’accès aux données d’immatriculation pour faciliter les rappels.
L’affaire Takata, bien que vieille de plus de 20 ans, n’a pas fini de produire ses effets. Le scandale qui avait déjà secoué les plus grands groupes automobiles continue de soulever des questions sur la gestion de la sécurité des véhicules sur le long terme. Et à présent, il met aussi en lumière la part de responsabilité des acteurs de la distribution.
