
Les nuages s’amoncellent au-dessus de Renault et Stellantis. Les deux géants de l’automobile font face à une crise de confiance majeure, provoquée par des défauts techniques graves sur certains moteurs. Autrefois gérés en interne et dans la discrétion, ces dysfonctionnements sont aujourd’hui sur la place publique. Actions collectives, interventions de la DGCCRF et enquêtes judiciaires s’enchaînent, illustrant la montée en puissance de consommateurs décidés à ne plus subir.
Les moteurs en accusation : PureTech et TCe dans la tourmente
Chez Stellantis, ce sont les blocs essence 1.0 et 1.2 PureTech qui cristallisent la colère. Conçus à l’origine pour allier performances et sobriété, ces moteurs se retrouvent mis en cause pour des casses prématurées, avec des coûts de réparation exorbitants pour les propriétaires. En réponse, le constructeur a lancé début 2025 une plateforme de réclamation. Mais le dispositif est loin de convaincre : 40 % des dossiers sont rejetés sur 8 200 déposés, et les critères d’indemnisation sont jugés trop limités par les associations de consommateurs.
Dans le même temps, le 1.5 BlueHDi, dernier moteur diesel PSA, suscite aussi de vives critiques. Victimes de pannes à répétition, de nombreux automobilistes s’organisent pour faire entendre leur voix. Résultat : les actions judiciaires et médiatiques se multiplient, et l’association représentant les plaignants a saisi la DGCCRF pour dénoncer des pratiques commerciales jugées trompeuses.
Du côté de Renault, c’est le moteur TCe 1.2, produit entre 2012 et 2016, qui fait l’objet de toutes les attentions. Le bloc, présent sur plus de 130 000 véhicules en France, est accusé de surconsommer de l’huile, entraînant là encore des casses moteur en série. L’affaire a été surnommée **“Motorgate”** depuis sa révélation par UFC-Que Choisir en 2019. En juin 2025, on apprend qu’une **enquête préliminaire est en cours depuis octobre 2023, menée par le parquet de Nanterre, avec le soutien de la DGCCRF et du SSMVM, le service de surveillance des véhicules.

Une réaction insuffisante des constructeurs
Dans les deux cas, les réponses apportées par Renault et Stellantis sont jugées insatisfaisantes. Renault reconnaît un défaut sur certains véhicules mais affirme avoir pris en charge les réparations avérées. Pourtant, près de 3 000 plaignants réunis via Myleo.legal affirment n’avoir reçu aucune compensation adéquate. Les témoignages affluent, renforçant l’idée d’une gestion trop défensive et insuffisamment proactive de la part du constructeur.
Stellantis, de son côté, semble tenté par une stratégie d’endiguement, en limitant les indemnisations et en filtrant sévèrement les dossiers. Une politique qui ne fait qu’exacerber le ressentiment des clients et renforcer la défiance.
Une mobilisation inédite des consommateurs
Ce qui frappe, c’est le changement de paradigme. Les automobilistes, autrefois résignés ou isolés, s’organisent désormais en collectifs, lancent des procédures judiciaires groupées, s’appuient sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques pour se fédérer et faire pression. L’exemple de Tesla, récemment rappelé à l’ordre par la DGCCRF pour pratiques commerciales trompeuses, montre que les constructeurs ne sont plus à l’abri, quelle que soit leur image ou leur stratégie.
La DGCCRF devient ainsi un acteur central, incarnant une nouvelle forme de régulation active. Elle est saisie de plus en plus tôt, intervient publiquement et pousse les marques à sortir de leur silence. À mesure que la contestation monte, la transparence et la responsabilité deviennent des exigences minimales pour les automobilistes, qui ne se satisfont plus d’excuses ou de gestes commerciaux anecdotiques.
Renault et Stellantis face à une impasse
Dans ce climat de méfiance généralisée, Renault et Stellantis apparaissent désormais coincés. Leur marge de manœuvre s’amenuise entre pression juridique, médiatique et institutionnelle. L’enjeu dépasse le simple cadre technique : il s’agit désormais de restaurer la confiance, un capital immatériel que l’indemnisation partielle ou le silence prolongé ne suffisent plus à préserver.
Les constructeurs devront sans doute revoir leur copie, tant en termes de gestion de crise que de communication. Car dans un monde où l’information circule à la vitesse des réseaux sociaux et où les consommateurs sont plus organisés que jamais, ne pas répondre clairement, c’est déjà perdre la bataille de l’image.