Ralentisseurs illégaux : vers une régularisation massive au lieu d’une démolition ?

Ralentisseurs illégaux : vers une régularisation massive au lieu d’une démolition ?

Le sujet des ralentisseurs illégaux revient sur le devant de la scène, avec un chiffre qui donne le vertige : 400 000 dispositifs potentiellement non conformes joncheraient les routes françaises. Si l’on s’attendait à une campagne de démolition massive, la réponse de l’État surprend. Le ministère des Transports envisage plutôt de réécrire les règles existantes afin d’harmoniser le droit avec la réalité du terrain. Mais une telle réforme ne risque-t-elle pas de légaliser des pratiques dangereuses au lieu de les corriger ?

Une réglementation ignorée depuis 30 ans

Le décret n°94-447 du 27 mai 1994 fixe les règles encadrant l’installation des ralentisseurs de type dos-d’âne et trapézoïdal. Hauteur limitée à 10 cm, longueur comprise entre 4 et 10 mètres, implantation réservée à certaines zones comme les agglomérations ou à proximité des établissements scolaires : sur le papier, les conditions sont strictes.

Dans la réalité, ces critères sont bien souvent ignorés. De nombreuses communes installent des ralentisseurs hors des clous, s’appuyant davantage sur les recommandations du Cerema que sur le décret en vigueur. Problème : ces recommandations, bien que techniques, ne disposent pas de valeur réglementaire et n’intègrent pas toujours les contraintes légales.

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Des associations en alerte depuis des années

La Ligue de Défense des Conducteurs (LDC) et Pour une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD) alertent depuis longtemps sur les dangers de cette situation. Selon leurs estimations, plus de 400 000 ralentisseurs seraient hors-la-loi. Certains seraient même responsables de dommages mécaniques sur les véhicules, d’inconfort pour les passagers – notamment les personnes âgées ou malades – et de risques accrus pour les deux-roues.

Ces associations ont multiplié les recours juridiques pour faire valoir leurs arguments. Et en avril 2025, un avis du Conseil d’État leur a partiellement donné raison.

Le Conseil d’État reconnaît l’illégalité mais écarte la démolition

Dans un tournant juridique majeur, le Conseil d’État a reconnu que de nombreux ralentisseurs installés en France ne respectaient pas les critères du décret de 1994. Toutefois, il a refusé leur suppression, invoquant le principe de l’indestructibilité des ouvrages publics.

Selon ce principe, un ouvrage réalisé par l’administration ne peut être démoli que dans des cas très exceptionnels. En somme, même s’ils sont irréguliers, les ralentisseurs déjà en place deviennent, en quelque sorte, indéboulonnables.

L’enjeu financier n’est pas non plus négligeable. Le coût d’un éventuel retrait massif est estimé à plus de 7 milliards d’euros selon Thierry Modolo, porte-parole de PUMSD. Un chiffre qui refroidit les ardeurs les plus déterminées à tout remettre à plat.

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Une réforme qui change les règles du jeu

Face à cette impasse juridique et budgétaire, le gouvernement semble avoir trouvé une échappatoire : modifier les normes existantes. Le ministère des Transports prépare ainsi un nouvel arrêté visant à harmoniser la réglementation avec les pratiques réelles observées sur le terrain. Objectif officiel : clarifier le cadre réglementaire pour les collectivités territoriales et sécuriser juridiquement les installations existantes.

Ce texte pourrait redéfinir les dimensions admissibles des ralentisseurs, élargir les zones d’implantation autorisées et tenir compte des réalités locales en matière de circulation et de sécurité routière. Pour l’exécutif, il s’agit de mettre fin à un flou réglementaire devenu ingérable.

Mais cette décision soulève des inquiétudes. Pour les associations de défense des usagers de la route, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une régularisation déguisée d’infrastructures dangereuses. Une manière, selon eux, de légaliser en masse ce qui aurait dû être interdit.

Une réforme à double tranchant

Le risque principal de cette réforme est qu’elle ouvre la voie à une prolifération incontrôlée de ralentisseurs mal conçus. Dans un pays où les standards de réalisation varient fortement d’une commune à l’autre, cette évolution pourrait accroître les disparités et engendrer de nouveaux dangers.

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Par ailleurs, une telle décision pourrait créer un précédent : celui d’un État préférant adapter la loi à la réalité, plutôt que de faire respecter les textes en vigueur. Une logique qui pourrait se répéter dans d’autres domaines d’infrastructures publiques.

Clément

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