
Lancée en 2021 sous le code interne V297, la Mercedes EQS berline était censée marquer une révolution dans le segment des limousines électriques de luxe. Présentée comme le futur vaisseau amiral électrique de Mercedes-Benz, l’EQS devait surpasser la mythique Classe S, symbole historique de l’excellence automobile allemande. Pourtant, quatre ans plus tard, ce pari s’avère un échec commercial manifeste, largement dû à son design audacieux qui divise. Le grand patron du design de Mercedes, Gorden Wagener, a récemment livré son analyse, surprenante et pleine d’autocritique.
Un design futuriste, mais clivant
Avec sa silhouette profilée, la Mercedes EQS a opté pour une ligne aérodynamique extrême, au point d’afficher un coefficient de traînée record à 0,20, un exploit technique qui améliore sensiblement l’autonomie électrique. Cette limousine de 5,22 mètres repose sur un empattement de 3,21 mètres, avec un capot très court et une poupe ramassée, ce qui lui confère une forme inhabituelle, parfois comparée à une banane. Une démarche stylistique qui a clairement cherché à marquer une rupture avec les codes traditionnels du segment, mais qui n’a pas trouvé son public.
Dans les campagnes publicitaires de lancement, Mercedes avait même mis en scène l’EQS tombant du ciel pour souligner sa silhouette inédite, focalisant davantage sur la technologie intérieure et son immense écran “hyperscreen” que sur la carrosserie elle-même. Malgré ce parti pris futuriste, la clientèle habituelle des grandes limousines a boudé ce look trop novateur, préférant le classicisme rassurant de la Classe S. En 2024, les chiffres de vente sont sans appel : pour une seule Mercedes EQS vendue dans le monde, près de dix Classe S ont trouvé preneur.

Un restylage timidement conservateur
Face à cet accueil tiède, Mercedes a tenté d’adoucir la silhouette de l’EQS avec un restylage en 2023. L’évolution la plus visible concerne la calandre, désormais plus traditionnelle avec des barrettes chromées, rappelant les limousines historiques de la marque. Parallèlement, la capacité de la batterie a été augmentée à 118 kWh, offrant une autonomie homologuée record de 821 km selon le cycle WLTP, un autre point fort de ce modèle.
Mais cette révision esthétique, plus classique, n’a pas suffi à relancer l’intérêt pour l’EQS dans sa forme actuelle. Le style « banane » reste encore difficile à digérer pour une clientèle habituée à des proportions plus équilibrées et à une présence plus majestueuse sur la route.
Le directeur du design assume… mais relativise
Gorden Wagener, directeur du design chez Mercedes-Benz, a reconnu l’insuccès commercial de l’EQS tout en apportant un éclairage inattendu. Selon lui, la voiture aurait tout simplement été lancée « dix ans trop tôt ». Il explique que l’EQS n’a jamais été pensée comme une limousine classique destinée à être conduite par un chauffeur. Son design « très progressiste » la place hors des attentes traditionnelles du segment, où les clients recherchent un long capot et un certain prestige associé à la présence du chauffeur.
Wagener souligne que la Mercedes EQS est une voiture différente, à laquelle les clients n’étaient pas préparés. Il évoque même la possibilité qu’il aurait été plus pertinent de la commercialiser comme une CLS futuriste ou un coupé inspiré de la Classe S, plutôt que comme une limousine haut de gamme.

L’avenir : une fusion des modèles EQS et Classe S
Mercedes a d’ores et déjà acté que la prochaine génération ne suivra pas le chemin de l’EQS actuelle. La marque s’oriente vers un rapprochement stylistique et technique entre l’EQS et la Classe S, un mariage des deux gammes pour unifier les carrosseries, un peu à la manière de BMW qui propose à la fois la Série 7 thermique et son pendant électrique i7 sous une même carrosserie.
Cette nouvelle stratégie vise à satisfaire une clientèle attachée au prestige classique tout en intégrant pleinement l’électrique dans le haut de gamme. Les futures limousines Mercedes offriront donc un choix entre motorisations thermiques, hybrides et électriques, dans une même ligne esthétique, plus consensuelle.