
Après plusieurs années d’engagement résolu en faveur du 100 % électrique, Lotus revoit sa stratégie. Le constructeur britannique, autrefois emblème des sportives légères à moteur thermique, fait aujourd’hui volte-face : au lieu de poursuivre une électrification totale, la marque envisage sérieusement d’intégrer une motorisation hybride à sa prochaine génération de sportives. Un revirement stratégique qui reflète les tensions actuelles du marché automobile et l’émergence d’un certain scepticisme vis-à-vis du tout-électrique.
L’électrique déçoit, l’hybride rassure
Lotus, propriété du groupe chinois Geely, avait pourtant misé gros sur l’électrification. En trois ans seulement, la marque a lancé le SUV Eletre (2022), la supercar Evija (2023) et la berline Emeya (2024), toutes électriques. Mais ces modèles, bien loin de l’ADN initial de Lotus — des véhicules légers, agiles et minimalistes — ont suscité des critiques. Le poids des nouvelles venues, dépassant largement les 2,5 tonnes, tranche radicalement avec la philosophie « light is right » popularisée par la marque dès ses débuts.
Aujourd’hui, face au ralentissement global des ventes de véhicules électriques et à l’essoufflement de la demande dans certaines régions du monde, Lotus repense ses priorités. La marque ne cache plus son intention de revenir à une approche plus nuancée. Comme l’a confié Matt Windle, directeur de Lotus Europe, au média Auto Express, « tout est possible, nous pourrions intégrer un bloc hybride » dans la future remplaçante de l’actuelle Emira.
La Lotus Emira, dernier bastion du thermique
Lancée en 2022, la Lotus Emira a marqué un retour aux sources pour le constructeur. Dotée de deux motorisations thermiques particulièrement appréciées — un 4-cylindres 2.0L AMG biturbo de 365 chevaux et un V6 3.5L Toyota développant jusqu’à 406 chevaux —, elle a connu un succès commercial éclatant. Sur les 12 000 véhicules vendus par Lotus en 2024, 5 000 étaient des Emira. Ce modèle, dernier représentant des sportives thermiques chez Lotus, a su séduire une clientèle fidèle aux sensations mécaniques et à la conduite engageante, loin de l’expérience parfois aseptisée des électriques.
Alors que sa remplaçante est attendue pour 2027, l’option hybride semble désormais la plus probable. Cette transition technologique permettrait à Lotus de concilier performance, plaisir de conduite et réduction d’émissions, sans pour autant basculer dans une électrification complète qui semble perdre de sa pertinence face aux réalités du marché.

Une tendance qui dépasse Lotus
Lotus n’est pas la seule marque à adopter une posture plus prudente. De nombreux constructeurs prestigieux revoient également leurs feuilles de route. Lamborghini et Ferrari ont repoussé l’introduction de leurs premiers modèles 100 % électriques, Maserati a mis en pause le développement de la version électrique de la MC20, et Aston Martin se montre plus que sceptique quant à un avenir exclusivement électrique.
Ce recul collectif traduit un changement de paradigme. Si l’électrique n’est pas abandonné, il n’est plus l’unique solution envisagée. Les constructeurs cherchent désormais un équilibre entre innovation technologique, réalité industrielle et attentes fluctuantes des consommateurs.
Lotus, symbole d’un retour au réalisme automobile
Les propos du président de Lotus, Feng Qinfeng, illustrent bien cette nouvelle philosophie : « Nous avons toujours choisi la meilleure technologie disponible, qu’il s’agisse d’une voiture à essence pure, électrique, hybride ou à autonomie prolongée ». Un discours lucide, qui tranche avec les promesses trop ambitieuses formulées ces dernières années dans l’industrie automobile.
En optant pour l’hybride, Lotus pourrait signer le retour à une logique plus pragmatique : celle de la transition énergétique progressive, fondée sur l’agilité, l’adaptation et la fidélité à l’identité d’une marque. Un pari qui pourrait s’avérer gagnant, à condition que la future Emira hybride parvienne à conserver ce qui a fait le succès de ses prédécesseures : légèreté, réactivité et plaisir de conduite.
Avec ce virage, Lotus rejoint ainsi le cercle des constructeurs qui refusent de céder à l’uniformisation technique et préfèrent garder plusieurs cartes en main. Une stratégie plus souple, plus cohérente et, peut-être, plus durable.