Dieselgate : Peugeot et Citroën bientôt devant la justice ? Un procès historique se profile 10 ans après le scandale
Dix ans après l’éclatement du scandale Dieselgate qui a secoué l’industrie automobile mondiale, l’affaire connaît un nouveau rebondissement en France. Cette fois, ce ne sont pas les géants allemands qui sont dans le viseur, mais deux marques françaises bien connues : Peugeot et Citroën. Le parquet de Paris vient en effet de requérir un second procès contre les deux constructeurs, désormais intégrés au groupe Stellantis, pour des faits liés à la commercialisation de véhicules diesel non conformes aux normes européennes en matière de pollution.
Une décennie après, le Dieselgate refait surface
En 2015, le Dieselgate avait éclaté aux États-Unis, frappant de plein fouet Volkswagen. Le constructeur allemand avait été accusé d’avoir équipé plusieurs millions de véhicules diesel d’un logiciel truqueur permettant de fausser les tests d’émissions polluantes. Depuis, le scandale s’est étendu à d’autres constructeurs, et la justice continue de démêler les responsabilités.
En France, les soupçons portent désormais sur les pratiques de Peugeot et Citroën entre 2009 et 2015. Le parquet de Paris reproche aux deux marques d’avoir délibérément vendu des véhicules diesel calibrés pour respecter les normes d’émission d’oxydes d’azote (NOx) uniquement lors des tests d’homologation, et non en conditions réelles d’utilisation.

Deux millions de véhicules concernés
Entre 2009 et 2015, près de deux millions de véhicules diesel de norme Euro 5 ont été écoulés par Peugeot et Citroën sur le marché français, générant un chiffre d’affaires estimé à 33,9 milliards d’euros, selon les données communiquées par le groupe PSA à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
Le cœur de l’accusation repose sur l’utilisation d’un calibrage spécifique du système de dépollution. Ce calibrage aurait permis de passer les tests d’homologation, mais serait inefficace lors d’une conduite normale, entraînant un dépassement fréquent des seuils réglementaires d’émissions de NOx, gaz particulièrement nocifs pour la santé.
Une affaire de santé publique
Le parquet va plus loin. Dans ses réquisitions transmises aux juges d’instruction, il estime que ce fonctionnement dégradé des systèmes de dépollution a rendu l’utilisation des véhicules dangereuse pour la santé, en contribuant à l’apparition de maladies respiratoires. Ce point pourrait constituer une circonstance aggravante lors du procès, si celui-ci est validé.
Les avocats des parties civiles, Me Marc Barennes et Me Romain Boulet, saluent cette nouvelle étape judiciaire. Selon eux, les constructeurs devront répondre de leurs actes devant un tribunal correctionnel et indemniser les victimes pour avoir mis en danger la santé publique à une échelle massive.
Stellantis tente de se défendre
Du côté de Stellantis, maison mère de Peugeot et Citroën, la ligne de défense reste la même qu’en 2021, lors de la première mise en examen. Le groupe conteste fermement les accusations, affirmant que la calibration des véhicules répondait à la réglementation en vigueur et tenait compte de l’utilisation réelle des voitures par les consommateurs. Il pointe également du doigt l’ambiguïté des normes Euro 5, jugées peu claires et sujettes à interprétation.
Un argument qui rappelle la défense utilisée par d’autres constructeurs à l’époque, dont certains affirmaient que leurs logiciels ne servaient pas à tricher, mais à protéger les moteurs dans certaines conditions.
Une justice encore à l’œuvre

La décision finale sur la tenue d’un procès appartient désormais aux juges d’instruction. S’ils suivent les réquisitions du parquet, Peugeot et Citroën pourraient être renvoyés devant un tribunal correctionnel, potentiellement dans les mois à venir. Ce procès serait alors l’un des plus importants pour des marques françaises depuis l’émergence du Dieselgate, et pourrait ouvrir la voie à d’autres actions en justice en Europe.
Pour les associations de défense de l’environnement et les consommateurs, cette affaire constitue un test majeur. Elle interroge sur la transparence des constructeurs, l’efficacité des régulations européennes, mais aussi sur la capacité de la justice à sanctionner des pratiques industrielles aux conséquences sanitaires et environnementales durables.
Un tournant pour l’automobile française ?
Si le procès a lieu et que Peugeot et Citroën sont reconnus coupables, cela pourrait avoir des répercussions lourdes pour Stellantis, tant sur le plan financier que d’image. Le groupe pourrait faire face à des amendes colossales, à des demandes d’indemnisations collectives, voire à des rappels massifs de véhicules.
Mais au-delà des sanctions, ce rebondissement dans l’affaire Dieselgate pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont l’industrie automobile aborde ses obligations environnementales. Alors que l’électrification du parc automobile s’accélère, la question de la transparence sur les émissions reste plus que jamais d’actualité.
