
Le bonus écologique, pierre angulaire de la politique d’incitation à l’achat de véhicules électriques en France, vient une nouvelle fois de changer de visage. Si l’État annonce officiellement ne plus consacrer de budget public à cette aide dès juillet 2025, les automobilistes ne seront pas pour autant privés de soutien financier. Grâce au recours aux Certificats d’économie d’énergie (CEE), le montant des primes à l’achat est même revu à la hausse. Un paradoxe apparent qui marque un tournant dans la manière dont la transition énergétique est financée.
Un désengagement public… compensé par le privé
À première vue, la nouvelle peut surprendre : l’enveloppe budgétaire dédiée au bonus écologique pour 2025, déjà réduite de moitié par rapport à l’année précédente, a été entièrement consommée. Un scénario qui aurait pu sonner le glas du dispositif, comme ce fut le cas en Allemagne fin 2023, lorsque le gouvernement a mis fin brutalement aux aides publiques pour les véhicules électriques. Mais en France, l’État a trouvé une parade inédite : transférer le financement de cette prime aux acteurs privés, en s’appuyant sur le dispositif des CEE.
Ce mécanisme, bien connu dans le secteur de l’immobilier pour financer les travaux d’isolation ou le remplacement de chaudières, gagne désormais du terrain dans le secteur automobile. Les CEE imposent aux fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, carburants) de financer des actions visant à réduire la consommation d’énergie. En clair, ce sont ces entreprises, et non plus l’État, qui verseront désormais les primes à l’achat de voitures électriques.
Des primes revalorisées à partir du 1er juillet 2025
L’un des effets immédiats de cette réforme est la revalorisation des montants du bonus écologique. Jusque-là, celui-ci variait entre 2 000 et 4 000 euros selon le revenu fiscal de référence des ménages. Dès le 1er juillet 2025, les nouvelles règles instaurent deux paliers clairs :
- 4 200 euros pour les foyers dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 16 300 euros (ou jusqu’à 26 200 euros selon la composition du foyer).
- 3 100 euros pour les foyers dont le revenu fiscal dépasse ce seuil.
Un coup de pouce significatif, en particulier pour les classes moyennes et les ménages modestes, qui constitue une surprise au regard du désengagement budgétaire de l’État. Cependant, cette générosité apparente n’est pas sans contrepartie. Comme l’indiquent plusieurs observateurs, les fournisseurs d’énergie qui financent ces aides risquent de répercuter ce coût sur les consommateurs, via une hausse progressive de leurs tarifs.
Qui peut bénéficier de ce nouveau bonus écologique ?
Ce nouveau bonus, officiellement financé par les CEE, entre en vigueur le **1er juillet 2025**. Une période de transition est toutefois prévue. Les véhicules commandés avant cette date, mais livrés avant le 1er septembre 2025, resteront soumis à l’ancien barème, moins avantageux. Une configuration inhabituelle qui risque de pénaliser les acheteurs les plus précoces.
Les critères d’éligibilité, quant à eux, restent inchangés. Le véhicule doit être 100 % électrique, afficher un prix d’achat hors options inférieur à 47 000 euros, peser moins de 2 400 kg et atteindre un score environnemental minimal déterminé par les autorités. Ce dernier critère exclut de facto de nombreux modèles produits hors d’Europe, à l’image de certaines Tesla ou modèles chinois. Toutefois, des véhicules comme la Dacia Spring peuvent encore bénéficier d’un soutien via des primes CEE indépendantes, même si leur montant est plus limité.

Un modèle de financement amené à se généraliser ?
Ce virage dans la stratégie du bonus écologique préfigure peut-être une mutation plus large de la politique environnementale française. L’État semble vouloir confier davantage de responsabilités aux acteurs privés pour financer la transition écologique. Ce mécanisme sera d’ailleurs également utilisé à partir de septembre 2025 pour la relance du leasing social, autre mesure phare de démocratisation de l’électromobilité.
Néanmoins, ce changement de paradigme soulève plusieurs questions : les entreprises privées continueront-elles de jouer le jeu sur le long terme ? Les consommateurs seront-ils indirectement pénalisés par une hausse des coûts de l’énergie ou des services associés ? Et surtout, ce système sera-t-il suffisamment stable et pérenne pour accompagner durablement la croissance du marché des voitures électriques ?