Batteries électriques : l’Europe muscle son jeu pour contrer la suprématie chinoise
L’Europe passe à la vitesse supérieure pour sécuriser son avenir électrique et réduire sa dépendance envers la Chine. La Commission européenne a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 852 millions d’euros, issue du Fonds d’innovation européen, destinée à soutenir six projets industriels stratégiques de production de cellules de batteries sur le continent. Un signal fort dans la course mondiale aux batteries, où la Chine domine encore largement le marché.
Une réponse stratégique à la domination asiatique
Alors que plus de 70 % des cellules de batteries utilisées dans le monde proviennent d’Asie, notamment de Chine, l’Union européenne veut accélérer sa transition énergétique tout en gardant la maîtrise de ses chaînes d’approvisionnement. C’est dans ce contexte que le soutien massif apporté par le Fonds d’innovation prend tout son sens. Financé par les entreprises les plus polluantes via le système d’échange de quotas carbone (EU-ETS), ce fonds vise à accompagner les projets industriels à faible empreinte carbone et à forte valeur ajoutée stratégique.
Les six projets sélectionnés ont été choisis parmi 14 candidatures provenant de huit pays européens. Ils devraient, une fois opérationnels, générer une capacité annuelle de production de 56 GWh, soit de quoi équiper plus de 1,1 million de voitures électriques (sur une base moyenne de 50 kWh par batterie).
La France en première ligne avec ACC et Verkor

Parmi les bénéficiaires, la France tire clairement son épingle du jeu avec deux projets majeurs : ACC (Automotive Cells Company) et Verkor, tous deux à la tête de gigafactories de nouvelle génération.
ACC est une coentreprise franco-allemande fondée par Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies, qui avait déjà reçu un soutien massif de l’État français à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Le site de Billy-Berclau/Douvrin, dans le Pas-de-Calais, accueillera cinq lignes de production de cellules NMC (nickel-manganèse-cobalt), pour une capacité de 15,7 GWh dans un premier temps, et un objectif de 40 GWh d’ici 2030. Ce projet est crucial pour soutenir l’industrialisation des gammes électriques des grands constructeurs européens.
De son côté, Verkor, start-up grenobloise fondée en 2020, ambitionne de doubler la capacité de son usine de Dunkerque pour atteindre 16 GWh en 2028, dont 12 GWh réservés au groupe Renault. Ce projet illustre la montée en puissance des acteurs européens émergents dans un domaine longtemps dominé par les géants asiatiques.
Un projet coréen soutenu en Pologne
Fait notable, parmi les six projets subventionnés figure également celui du Sud-Coréen LG Energy Solutions, qui installera une usine en Pologne pour produire des cellules cylindriques de grand format (46 mm). L’objectif est d’atteindre une production annuelle de 85 millions de cellules, représentant 11,5 GWh. Cette technologie, similaire à celle utilisée par Tesla, équipera notamment les futurs véhicules électriques basés sur la plateforme Neue Klasse de BMW, attendue à partir de 2025.
Vers une souveraineté énergétique européenne
En soutenant ces projets, l’Europe poursuit plusieurs objectifs à la fois. D’une part, elle veut réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, qui reste le premier producteur mondial de cellules et de matériaux critiques (comme le lithium, le cobalt ou le nickel). D’autre part, elle cherche à créer un écosystème industriel intégré, capable de rivaliser avec les puissances asiatiques et américaines.
Ces nouvelles usines européennes permettront également de créer des milliers d’emplois industriels qualifiés, de réduire l’empreinte carbone du transport électrique en rapprochant la production de la consommation, et d’assurer une meilleure traçabilité environnementale et sociale dans la fabrication des batteries.
Un enjeu de compétitivité et d’indépendance
Le développement d’un secteur européen des batteries est essentiel pour préserver la compétitivité de l’industrie automobile du continent, en pleine mutation vers l’électrification. Les constructeurs doivent pouvoir s’approvisionner localement, à la fois pour des raisons de coût, de délai et de souveraineté.
Avec ces nouvelles subventions, l’Europe montre qu’elle est prête à investir massivement pour assurer sa place dans la transition énergétique mondiale. Reste maintenant à traduire ces ambitions en réalité industrielle, dans un marché où la concurrence est féroce et les innovations technologiques constantes.
Ce tournant stratégique pourrait bien rebattre les cartes d’un secteur en pleine recomposition, où l’enjeu dépasse largement l’automobile pour toucher aux fondements même de la souveraineté économique et énergétique du Vieux Continent.
