Baisse de la TVA sur les voitures électriques : un piège pour les foyers modestes ?
Gabriel Attal a récemment relancé le débat sur les aides à l’achat de voitures électriques avec une proposition pour le moins audacieuse : remplacer les bonus écologiques actuels par une baisse significative de la TVA, qui passerait de 20 % à 5,5 %. Une mesure inspirée de ce qui a été mis en place il y a quelques années dans le secteur de la restauration, mais dont les conséquences pourraient s’avérer paradoxales, notamment pour les foyers les plus modestes.
Un système de bonus écologique déjà mis à rude épreuve
Depuis plusieurs années, le gouvernement encourage l’achat de véhicules électriques par un système de bonus à l’achat, modulé en fonction du revenu des ménages. Mais ce mécanisme, malgré son efficacité apparente, est de plus en plus complexe et budgétairement fragile. Les caisses de l’État destinées à soutenir cette mesure ont été rapidement vidées en 2024, obligeant le recours à un autre levier de financement : les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE). Ce nouveau montage a permis une légère augmentation du bonus, désormais plafonné à 4200 euros pour les Français les plus modestes.
Or, c’est précisément ce système que Gabriel Attal propose de supprimer, au profit d’une TVA réduite sur les véhicules électriques. Selon lui, cette mesure favoriserait une transition écologique plus équitable et offrirait aux classes moyennes et populaires un meilleur accès à ces technologies.
Une promesse d’équité difficile à tenir
Sur le papier, passer de 20 % à 5,5 % de TVA semble séduisant. Cela représenterait une réduction de prix non négligeable sur les véhicules électriques. Mais encore faut-il que cette baisse soit répercutée intégralement sur le prix final, ce qui n’est en rien garanti. Le précédent de la restauration, qui avait bénéficié d’un allègement similaire, est resté célèbre pour les effets mitigés qu’il a eus sur les prix pratiqués par les restaurateurs. Une partie de la baisse de TVA avait été absorbée par les marges des professionnels, sans réel avantage pour le consommateur.
Dans le cas de l’automobile, le risque est similaire. Sans mécanisme strict de régulation des prix, les constructeurs pourraient être tentés de conserver une partie de la marge dégagée par la baisse de TVA, annulant ainsi tout bénéfice réel pour l’acheteur.
Un calcul défavorable aux petits budgets
Au-delà de ces considérations théoriques, des calculs concrets permettent déjà de mesurer l’impact de cette proposition sur les différentes tranches de revenus. Actuellement, un acheteur bénéficiant du bonus maximal de 4200 euros est avantagé pour tout véhicule coûtant moins de 34 710 euros TTC à 20 % de TVA. Si la TVA était abaissée à 5,5 % mais sans bonus, le prix final de ces véhicules augmenterait mécaniquement.
Cela signifie que pour l’immense majorité des voitures électriques abordables – Renault 5 électrique, Citroën e-C3 ou encore certaines Dacia électriques – la suppression du bonus serait désavantageuse. Ces modèles se situent généralement en dessous de la barre des 35 000 euros. Résultat : les foyers modestes, qui ont justement besoin d’un soutien fort à l’achat, se retrouveraient pénalisés.
Une réforme qui profiterait surtout au haut de gamme

À l’inverse, les modèles plus onéreux, dont les prix dépassent les 35 000 euros, bénéficieraient davantage d’une réduction de TVA. Des véhicules comme les Tesla Model 3 ou certaines BMW électriques tireraient clairement leur épingle du jeu dans ce scénario. Leur prix TTC, après application d’une TVA réduite, serait plus bas que celui actuellement obtenu après déduction du bonus.
Il s’agirait donc, en filigrane, d’un coup de pouce indirect aux classes les plus aisées, qui ont les moyens d’investir dans des modèles premium. Une orientation politique difficile à justifier dans un contexte où la mobilité propre devrait s’inscrire dans une logique d’inclusion sociale.
Un avenir incertain pour les aides à l’électrique
Si la proposition d’Attal a le mérite de relancer le débat sur la lisibilité des dispositifs d’aide à la mobilité électrique, elle soulève de nombreuses questions pratiques et éthiques. D’abord, celle de la surveillance des prix pratiqués par les constructeurs. Ensuite, celle de la redistribution réelle des gains induits par une telle réforme fiscale. Et enfin, celle de la stratégie à long terme du gouvernement sur l’accompagnement à l’électrification du parc automobile.
Car même si la baisse de TVA devenait plus avantageuse dans quelques années, à mesure que les bonus seront appelés à diminuer, cela nécessiterait un suivi constant et rigoureux de l’évolution des prix du marché. Une vigilance que l’administration n’a pas toujours réussi à maintenir, comme l’a montré l’expérience du secteur de la restauration.
La proposition de Gabriel Attal, en apparence simple, pourrait donc produire l’effet inverse de celui escompté : accentuer les inégalités au lieu de les corriger. Les classes populaires, qui ont besoin de soutien pour accéder à des véhicules moins polluants, risquent de voir leurs efforts freinés par un système qui les oublie au profit des catégories plus aisées.
